NULL
Interview : Maxence, CEO de Javry, donne sa vision sur le café de spécialité
Nicolas Pourailly de chez Belco, torréfacteur de café de spécialité français, a récemment interviewé Maxence, le CEO de Javry Coffee !
Ensemble, ils ont échangé sur leur vision du café de spécialité, sur les enjeux qui gravitent autour de la production et l’importation de café dans le monde, ou encore sur les labels que délivrent certaines organisations.
Voici les extraits de cette chouette discussion qui vous, amateurs de café, vous intéressera sans aucun doute ! Et pour les plus curieux, on vous conseille d’écouter le podcast dans son intégralité ! 😉
Maxence, quelle est ta définition du café de spécialité ?
Oublions les scores. Pour moi, le café de spécialité, c’est avant tout :
- Un café bon en bouche et qu’on est content de boire, que cela soit à la maison, au bureau ou ailleurs.
Mais il est essentiel que cela soit aussi :
- Un café éthique, qui est sourcé de manière responsable tout en permettant aux caféiculteurs de non seulement vivre, mais aussi de pérenniser leur activité.
- Un café éco-responsable, qui ne pollue pas tant au niveau de sa production qu’au niveau de son importation et de sa consommation.
Penses-tu qu’aujourd’hui, on retrouve tous ces aspects dans un café de spécialité ?
Honnêtement, c’est difficile à dire. Mais de mon point de vue, bien que Javry soit un peu différente d’une torréfaction classique, le café de spécialité est encore aujourd’hui bien trop peu orienté vers les aspects éthique et éco-responsable.
Je pense qu’il y a encore beaucoup d’efforts à fournir sur ces points-là.
Lorsque tu achètes ton café, quels critères regardes-tu en premier ?
En toute transparence et honnêteté, le prix reste mon premier critère d’achat. En revanche, il faut toujours que ce soit un prix lié à une qualité et à un projet éthique et éco-responsable. Ce sont des aspects qui restent essentiels à ma décision d’achat.
Et à travers Javry, on ressent qu’il y a aussi une demande grimpante qui va dans ce sens. On parle de plus en plus d’éco-anxiété et Javry se doit de répondre à ces besoins-là de la part du marché.
D’ailleurs, s’il y a bien quelque chose que l’on partage tous et toutes dans la team Javry, c’est qu’à travers notre projet, on a envie de faire bouger les choses, tant au niveau économique ou dans notre manière de consommer.
Ce sont ces convictions qui font de Javry ce qu’elle est : on s’évertue à vendre des produits qui font partie d’un projet encore plus grand.
Est-ce que tu parles des enjeux sociaux et environnementaux autour du café avec tes clients ? Quels leviers utilisez-vous pour les sensibiliser à tout cela ?
Bien sûr qu’on en parle. On prend autant que l’on peut la parole sur ces aspects d’éthique et d’éco-responsabilité. Que cela à travers notre communication ou en direct, lorsqu’on installe une machine à café professionnelle. On saisit toujours l’opportunité pour sensibiliser le client. On explique comment le café est fait chez Javry, puis les tenants et les aboutissants du marché…
On essaie aussi de mettre en lumière le travail des caféiculteurs, et les enjeux auxquels ils font face. Parce qu’être producteur de café, c’est :
- Un challenge vital : Les besoins primaires des petits producteurs de café sont malheureusement loin d’être comblés. Chaque jour est un défi pour eux et le seul moyen de les aider serait de définir des prix d’achat corrects et relatifs à ces besoins dont leur vie dépend.
- Un challenge écologique : Les caféiculteurs sont les premiers à faire face aux conséquences du changement climatique. Faute de moyens suffisants, il leur est difficile de mettre en place des leviers d’actions et trouver des solutions pour pérenniser leur activité.
C’est essentiel que davantage de nos clients aient conscience du chemin parcouru par leur café, mais aussi de tout ce qui entoure le travail du caféiculteur et la rémunération de chaque acteur.
Les consommateurs de café ne sont aujourd’hui pas encore prêts à mettre un prix plus juste pour tous, et surtout pour le producteur qui se trouve à l’autre extrémité de la chaîne.
D’où l’enjeu de sensibiliser et de mettre en relation ces deux maillons, qui sont essentiels et sans qui l’un ne va sans l’autre. Il n’y a pas de recette magique, mais instaurer un échange avec les consommateurs est déjà un beau point de départ dans notre objectif de changer positivement le marché global du café.
Malgré tout cela, on garde bien entendu en tête ce que les clients viennent en premier lieu chercher chez nous : une machine à café qui fonctionne et du bon café.
Mais on ne peut nier tout de même que la plus-value de Javry, c’est de pouvoir jouer tant sur la qualité de nos cafés que sur les valeurs qui entourent nos produits.
Et quelle est ta vision du café de demain ?
Un bon café de demain, c’est un bon café d’aujourd’hui : toujours bon en tasse, mais auquel on ajoute des certitudes en matière de responsabilités sociétales et environnementales.
Selon moi, ce sont des aspects qui doivent absolument être liés au café de spécialité pour qu’il puisse continuer à se vendre demain.
Pour aller dans cette direction, et ce n’est pas nouveau pour Javry, le sourcing de notre café se fait exclusivement selon les critères suivants:
- Un café abordable
- Un café de qualité en tasse
- Un café éthique et éco-responsable
On essaie aussi d’être minimaliste avec les emballages : on livre le plus possible en vrac, avec des fûts réutilisables, tandis que le reste est emballé dans des packagings à base de matériaux 100% bio-sourcés.
C’est aussi le cas en interne où on fait notre possible pour utiliser moins de carton, notamment pour les transports.
En toute franchise, ce n’est pas facile à mettre en place au quotidien, surtout dans le contexte actuel de hausse des coûts. Mais ça fait partie de nos valeurs et de notre projet, sans quoi Javry n’existerait pas et qu’on se doit de partager avec nos clients.
Comment les sourceurs et importateurs de café comme Belco pourraient t’aider dans ce challenge vers le café de demain ?
Ce qui nous est fondamental, c’est la transparence. Belco nous aide déjà beaucoup à maintenir cet aspect grâce à sa présence directe auprès de nos caféiculteurs.
Cela nous permet aujourd’hui de transmettre à nos clients des informations essentielles telles que la provenance des cafés ainsi que leur méthode de production et de récolte.
Mais on pourrait pousser encore davantage la recherche de données. Par exemple, il s’agirait de savoir quel est le coût moyen de la vie sur place, le salaire du caféiculteur, sa marge, etc.
L’objectif ici serait que nos clients sachent parfaitement ce qu’ils consomment et ce que chaque acteur qui lui a permis d’obtenir son café gagne réellement. C’est cette transparence totale tout au long de la chaîne qui permettrait de la rendre entièrement juste et équitable.
Et que penses-tu des labels ?
D’une manière générale, il est vrai que je n’accorde pas une grande confiance aux labels.
Dans le fond, ce qui me dérange, c’est le fait qu’ils soient délivrés suite à un échange marchand. Une organisation n’aura donc aucun intérêt à ce qu’un torréfacteur par exemple n’obtienne pas son label, puisque c’est ainsi qu’elle est financée.
On a donc ici un risque élevé de déviance… Et c’est cette dépendance, qui me pose un problème.
C’est pour cela que chez Javry, on ne travaille pas avec des labels autres que le label bio, un label scientifiquement vérifiable.
Chez Belco, on aimerait mettre en place un indicateur représentatif des bonnes pratiques à la ferme. Valoriserais-tu un tel indicateur auprès de tes clients ?
Pour Javry, les indicateurs sur les aspects écologiques sont vraiment importants, que cela soit la quantité d’intrants chimiques utilisés pour la production de nos cafés, les émissions de CO2 qui en découlent, la proportion du café global de chez Belco qui a été importé à la voile ou par transport classique, etc.
Donc à l’instar du côté éthique dont on parlait juste avant, c’est certain que l’on valoriserait un tel indicateur. Plus on a d’informations, mieux c’est, et c’est valable pour tous les cafés !
Tu parlais tantôt du transport par la voile, j’imagine que demain aussi, tu souhaiterais savoir si un café arrive de manière classique ou décarbonée ?
Ça, pour le coup, c’est très bien communiqué. Chez Javry, on a pris la balle au bond puisque c’est déjà la troisième année qu’on fait venir du café de Colombie à la voile. On suit donc de manière très proche la construction du nouveau voilier qui est, selon moi, un vrai enjeu, surtout dans le contexte actuel.
Même si les prix des transports ont depuis légèrement baissé, ce n’était pas le cas lorsque le transport maritime a été chamboulé par le blocage du canal.
Cette situation nous a permis de réfléchir à de potentielles alternatives et le transport à la voile est, à ce moment là, devenu une alternative presque compétitive !
Et puis l’idée de voir un voilier cargo avec une capacité de portage bien plus élevée que celles utilisées habituellement, et qui permettra de faire diminuer les prix du transport, personnellement, j’y crois beaucoup.
J’espère qu’importateurs comme torréfacteurs continueront d’unir leurs forces pour pousser ce projet encore plus loin.
Pour ce qui est de Javry, ce sont cette année 20 à 30 sacs de café venant de Colombie qui nous sont arrivés par voiles. L’année passée, il y en a eu 5 et l’année prochaine ce seront 60 sacs. L’objectif, et je m’y engage, c’est de faire accélérer cette transition !
Et pour finir, s’il y a bien une chose que nous devrions faire maintenant, qu’est-ce que ce serait ?
On devrait tous se féliciter pour ce qu’on fait déjà ! Je pense qu’on est sur une voie importante pour l’avenir et qu’on devrait tous s’applaudir pour ces premiers efforts fournis pour des projets positifs.
Et puis on peut également se souhaiter de continuer à faire ce que nous faisons, du mieux que nous pouvons !
Génial, alors bravo et merci Maxence pour cet échange !
Avec plaisir, merci à toi Nicolas !
Et si plus de discussions de ce genre vous intéressent, 80 Plus (ex magazine Le Filtre) a suivi Nicolas Pourailly pour la 1ʳᵉ édition du Belco Euro Tour. À cette occasion, ils sont allés à la rencontre de 10 torréfacteurs européens pour coconstruire le café de spécialité de demain.
Retrouvez toutes les interviews sur le blog du magazine LeFiltre ! 🙂